Nong Kiaw : une immersion dans l’histoire du Laos

Comme Muang Khua, Nong Kiaw est un petit village séparé en deux par la rivière, à la différence que le pont qui permet la traversée est en béton et donc un peu plus rassurant que le pont suspendu en bois.
Accompagnés de Vladimir et Loréa nous avons, après plusieurs hésitations, jeté notre dévolu sur un restaurant situé en hauteur sur les bords de la rivière et jouissant d’une très belle vue. Ce ne fut pas forcément le meilleur choix niveau gastronomie mais vu notre appétit nous ne pouvions attendre plus longtemps.
Nous y avons de nouveau fêté l’anniversaire de Flo avec un Burger pour gâteau d’anniversaire et sa bougie briquet. Une première mais c’était la seule chose qui pouvait faire office de gâteau. L’anniversaire de Flo fût une bonne excuse pour faire la fête pendant deux bonnes semaines.
Nous avons également fait plus ample connaissance avec Carlijn qui a quitté le Vietnam dans le même bus que nous : elle est d’origine hollandaise et voyage quelques semaines en Asie du Sud-Est. Nous sommes ensuite allés nous installer dans la guesthouse de M.Lintong qui constitue selon nous le meilleur rapport qualité prix du village.
Nous y avons loué un petit bungalow en bambou très mignon pour 4 euros la nuit, et la cerise sur le gâteau chez M. Lintong, c’est la qualité des repas préparés par sa belle-fille. De plus l’un et l’autre parlaient relativement bien anglais et lui parle même le français. Son passe-temps favori consiste à apprendre à jouer de la guitare en chantant des chansons françaises comme « Aline » de Christophe.
Discuter avec lui fut très enrichissant car il a vécu la guerre civile laotienne et la guerre du Vietnam. Il a ainsi pu nous raconter de nombreuses histoires sur la manière dont les Laotiens étaient obligés de vivre à cette période.
Si une partie des indépendantistes, satisfaits de l’autonomie accrue accordée par la France en 1949, abandonnent alors la lutte, une autre partie de la population, étroitement liée au Việt Minh le refuse. Un groupement indépendantiste et nationaliste se crée : le Pathet Lao (Laos libre) ; et étend peu à peu ses influences sur le territoire.
La guerre d’Indochine (1946 à 1954) et la guerre du Viet Nam (1954 à 1973) sont des conflits « annexes » à la guerre civile laotienne mais qui ont eu des impacts décisifs sur l’évolution de la situation politique du Laos et des conséquences dramatiques pour le pays. En effet, en 1953 le pays est envahi par les troupes Việt Minh. Du fait de son alliance étroite avec le Viet Minh puis le Nord Viêt Nam, le Pathet Lao prend une teinte communiste et s’affirme progressivement. Les accords de Genève reconnaissent l’indépendance du Laos et malgré l’établissement d’un gouvernement d’union nationale en 1962, le pays reste divisé et entre progressivement en état de guerre civile (qui durera jusqu’en 1973!) avec au sud des forces anticommunistes et neutralistes, et au nord le Pathet Lao communiste.
Le Laos (et notamment les zones contrôlées par le Pathet Lao) est de plus en plus utilisé pour ravitailler en matériel et nourriture les combattants Viet Minh. Les Américains, dont la position officielle est de garantir la neutralité du Laos, lancent des activités clandestines pour empêcher les Viet Minh de passer par le Laos. Ils arment notamment les tribus montagnardes laotiennes (les Hmongs, voir notre article sur les Hmongs de Sa Pa au Vietnam) et déclenchent des opérations de bombardements intensifs sur les routes et sentiers utilisés pour soutenir l’ennemi. Les bombardements prennent une ampleur grandissante, provoquant un véritable désastre, notamment dans la plaine des Jarres (où les Viet Minh ne passent même pas). Fred Branfman, un conseiller militaire et journaliste a avancé le nombre de plus de 500 000 raids, soit une attaque toutes les 8 minutes pendant 9 ans. Il a dénoncé avec virulence la violence inutile de ces attaques dans son livre Voices from the Plain of Jars : Life under an Air War, 1972. Le Laos a ainsi reçu plus de bombes qu’il n’en a été largué pendant toute la seconde guerre mondiale!
La guerre civile laotienne continue jusqu’en 1973. Un cessez-le-feu est déclaré le 22 février 1973. Le 5 avril 1974, un gouvernement d’union nationale voit le jour. En 1975, après avoir étendu son contrôle le Pathet Lao réalise un coup de force et prend le pouvoir. Le roi, la reine et l’héritier du trône meurent dans un camp d’internement. La République Démocratique Populaire Lao (RDPL) est créée, avec un régime de parti unique, dirigé par le Parti Révolutionnaire Populaire Lao toujours au pouvoir de nos jours.
M. Lintong a appris le français à l’école avant le début de la guerre civile lors de laquelle plus personne n’avait le droit de parler ou d’apprendre le français et tous les livres en français ont été détruits.
Pendant les périodes de bombardements incessants, les habitants du village se réfugiaient dans les grottes ou le long des falaises. Les administrations étaient mêmes retranchées de manière permanente dans les grottes.
Les paysans ne pouvaient cultiver en journée à cause des raids aériens, par conséquent ils se sont mis à le faire de nuit. Mais les raids se poursuivaient également la nuit avec des avions qui tiraient sur tout ce qui brille et notamment les yeux du bétail ou des hommes. Les toits des maisons, traditionnellement de feuilles (rotin, palme, canne à sucre etc.) qui une fois sèches deviennent jaune (cibles bien trop visibles depuis le ciel) devaient être reconstruis toutes les deux semaines pour qu’ils restent verts et continuent à se confondre avec la jungle environnante.
Les mémoires de ces guerres sont encore présentes aussi bien chez les anciens que sur le territoire. Nous avons vu une équipe de déminage dans un champ au bord de la route dont tous les membres étaient équipés de détecteurs de métaux.
En effet, un très grand nombre de projectiles largués par les américains étaient des bombes à sous-munitions : de gros obus qui s’ouvrent avant d’atteindre le sol et libèrent des centaines d’engins explosifs, gros comme des balles de tennis. A lui seul, le pays en aurait reçu 260 millions.
Près d’un tiers d’entre elles n’ont pas explosé au moment de leur impact au sol : elles explosent toujours chaque année un peu plus de 300 victimes, morts ou blessés. Les personnes les plus exposées sont les paysans qui lorsqu’ils labourent les terres font remonter les engins à la surface et les enfants des familles pauvres qui cherchent de la ferraille à revendre et tombent sur un qui explose au moment de le déterrer. On estime à plus de 500 ans le temps nécessaire au déminage complet du pays.
M. Lintong investit également de son temps pour développer le tourisme et permettre aux villages reculés de bénéficier des retombées positives économiques visant au développement du pays. Il est notamment responsable de l’attribution de ces fonds dans sa région. Il attache de l’importance à l’authenticité (constructions en bois plutôt qu’en béton), à la propreté des villages et incite les habitants à suivre ces principes.
Il donne l’exemple avec sa guesthouse, dont les bungalows sont construits avec des matériaux locaux (excepté les salles de bain). Il avait même pour projet de démonter des toits en tôles pour les remplacer par des toits végétaux.
Il nous a également expliqué que la culture du pavot pour produire de l’opium, qui a fait vivre de nombreuses familles par le passé est désormais interdite: les paysans très pauvres doivent donc trouver d’autres sources de revenus. L’organisation de randonnées avec nuit chez l’habitant sont une des options qui s’offrent aux villageois pour trouver de nouvelles sources de revenus.
Le soir en compagnie de Vlad, Loréa et Carlijn nous avons été au « Hive Bar », l’unique bar du village, pour célébrer encore une fois l’anniversaire de Flo.
Le lendemain nous sommes allés visiter une des grottes aux alentours qui a servi de refuge à de nombreuses personnes pendant la guerre. Il y a théoriquement un gardien qui fait payer l’entrée, mais bizarrement ce jour-là pas de gardien. Ce sont souvent des enfants ou des jeunes adolescents qui s’improvisent guides et montrent le chemin des grottes en échange d’argent, mais un paysan travaillant dans le champs à côté nous a conseillé de ne pas les payer car cela les incite à sécher l’école et ils s’en servent pour acheter des cigarettes.
Quand nous leur avons demandé pourquoi ils n’étaient pas à l’école, ils nous ont expliqué qu’ils y vont soit le matin soit l’après-midi, difficile à vérifier mais il est vrai que l’école est dispensée uniquement la demi-journée. Leur discours est déjà bien rodé en tout cas!
Après avoir fait une pause pour se désaltérer et dit au revoir à Vlad et Loréa qui ont décidé de rester une journée de plus, nous sommes repassés rapidement avec Carlijn à la guesthouse pour récupérer nos affaires et nous rendre à la station pour prendre un bus pour Luang Prabang. On nous avait conseillé d’arriver pour 13h30 à l’arrêt de bus et nous étions justes à l’heure, malheureusement nous ne savions pas encore qu’au Laos, les bus partent non pas en retard comme d’habitude mais quand ils sont pleins (donc potentiellement avant l’heure). Le dernier bus de la journée est donc parti devant nos yeux quelques minutes après notre arrivée. Carlijn qui n’avait plus que quelques jours de vacances a réussi à se frayer une place dans la benne d’un camion rempli de locaux qui rejoignait lui aussi Luang Prabang. De notre côté, nous avons préféré attendre le lendemain et nous sommes retournés à la guesthouse où nous avons retrouvé Vlad et Loréa.
Nous avons profité de ce surplus de temps sur place pour nous balader dans le village et aux alentours et observer des scènes de la vie quotidienne des Laotiens.
- Paysage environnant
- Un bébé caché derrière la charette
- Partie de badminton dans la rue
- Séchage également mais de quoi ?
- Un repas de plus en compagnie de Vladimir et Loréa
- Séchage des piments
- Métier à tisser
- Balade autour du village
- Une maman et sa petite
- Séchage de graines
Et bien avec tous ces anniversaires, Flo a pris un sacré coup de vieux ! Et j’imagine que vous avez enchaîné avec celui de Méla … Vous ne verez donc aucune objection à ce que nous les fêtions de nouveau à votre retour ! En attendant, profitez bien ! Arrivée à Santiago il y a quelques heures, à l’assaut donc du dernier continent…
Pas de souci ! On est toujours prêts pour faire la fête 🙂
Dernier continent qui risque aussi de nous faire de beaux souvenirs….bises
Coucou à tous les 2,
ça valait le coup de louper le bus au final. Les photos supplémentaires sont jolies !
Et l’Australie, et Tahiti?? Ca ne doit pas être facile de tout raconter dans les temps!!
Gros bisous à vous.
Hello ! Effectivement on a beaucoup de retards sur le blog… Mais difficile de se poser pour rédiger alors qu’on est a l’autre bout du monde et qu’on veut en profiter aussi! Mais pas d’inquiétude on le fera jusqu’au bout le blog car c’est aussi nos mémoires de voyage.
Merci pour les photos on prend avec plaisir ce compliment venant d’une photographe. Bisettes
Salut les baroudeurs
Des mois que je suis votre blog avec appétit, mais ne prends jamais le temps d’y laisser un message…honteux! Je suis pourtant bien placé pour savoir que ça fait plaisir!
Bref, super blog: vous vivez énormément de choses, et avez l’air de profiter de cette aventure à fond. En plus on a le droit à tous les détails: que du bonheur! Le Laos a l’air magnifique, faudra qu’on retourne le visiter, merci de nous faire découvrir tout ça!
Profitez bien, donnez nous des nouvelles, et bonne route!
Bisous
Greg
BON ANNIVERSAIRE MELANIE !!!
Plein de grosses bises
J’espère que tout se passe bien, quand du haut de notre belle tour nous avons un gros coup de mou…nous pensons à vous et nous rêvons au fil de vos photos ! Profitez-en bien pour revenir avec plein de souvenirs et pour tous ceux qui vous accompagnent en pensées…
Merci Carole d’avoir pensé à mon anniversaire 🙂 De mon côté tout se passe plutôt bien et je profites un maximum de ce voyage.Je me demande souvent où je serais à la même heure en France et la réponse est souvent « au bureau » du coup je pense à toute l’équipe. J’avais envoyé une petite carte pour les fêtes mais je ne sais pas si vous l’avez reçue ? Ça passe super vite, plus que 4 mois avant le retour en France… A priori on a raté un hiver interminable, j’espère que vous aurez plus de chance avec le printemps. Grosses bises d’Argentine. Mélanie